JE DONNE
Accueil > Publications > Le peuple mapuche : une histoire de résistance

Le peuple mapuche : une histoire de résistance


Alors que toute l’attention médiatique au Chili était tournée cet automne vers le sauvetage des 33 mineurs pris au fond d’une mine (ou encore vers les dangers que posait la construction d’une centrale thermique pour les pingouins et les dauphins (1)), les 32 prisonniers politiques mapuches en grève de la faim depuis le 12 juillet 2010 étaient laissés dans l’ombre par l’indifférence profonde manifestée par les élites politiques et les principaux médias nationaux. Emprisonnés sur la base de la loi antiterroriste 18134, un héritage juridico-militaire de l’époque de la dictature, les prisonniers mapuches demandaient notamment (a) la fin de l’utilisation de la loi antiterroriste contre leurs revendications, (b) la fin du double jugement (ne plus être condamné par la justice militaire et la justice civile pour un même crime), (c) la révision de tous les jugements concernant des Mapuches condamnés par la loi antiterroriste, (d) des procès civils sans preuves secrètes et témoins anonymes, (e) la reconnaissance des droits sociaux, culturels, politiques et environnementaux des Mapuches, selon les dispositions de la Convention 169 de l’OIT et, enfin (f) la restitution des terres ancestrales volées aux communautés mapuches. Mettant un terme à leur grève de la faim le 9 octobre suite à l’obtention partielle de leurs revendications, les prisonniers politiques mapuches avaient ainsi réussi à faire entrer leurs revendications dans le débat public chilien (2). Un bref retour historique est nécessaire afin de mieux saisir le conflit actuel entre l’État chilien et le peuple mapuche, et ce, avec une attention particulière sur les organisations mapuches autonomes et indépendantes.

La lutte contre l’envahisseur espagnol

Historiquement, le peuple mapuche est composé des communautés situées à l’extrémité méridionale du territoire chilien et dans la pampa argentine. Résistant d’abord aux multiples tentatives des Incas de les soumettre, les Mapuches durent ensuite combattre les troupes espagnoles. Si les conquistadores réussirent à défaire les populations autochtones de la vallée centrale chilienne, les Mapuches opposèrent une résistance extraordinaire entre le 16e et le 18e siècle, résistance qui se solda par la signature entre la couronne espagnole et les Mapuches de plus de 30 traités reconnaissant la rivière Bío-Bío comme frontière entre le Chili et le territoire mapuche. Comme le rappelle Patricia Richards, par ces traités, l’indépendance et la souveraineté territoriale des Mapuches, même si précaires, étaient officiellement reconnues par les Espagnols (3).

La guerre d’indépendance

Après la guerre d’indépendance, le nouvel État chilien maintint le statu quo quant à sa frontière jusqu’aux années 1850, époque où, mû par certains intérêts économiques et géopolitiques, il multiplia les incursions dans le territoire mapuche. En 1861, l’armée chilienne lança la « campagne de pacification de l’Araucanie », qui s’avéra être davantage une guerre d’extermination et allait mener après deux décennies de combats à la reddition inconditionnelle des Mapuches et à l’occupation de leur territoire en 1883. Les Mapuches survivants se virent octroyer des petites parcelles de terre (les reducciones) comptant à peine pour 6,4 % de leur territoire précédent (4). Le reste du territoire, désormais ouvert à la colonisation et l’exploitation capitaliste, fut octroyé à des propriétaires terriens chiliens, des colons d’origine européenne et des compagnies étrangères. Dans les faits, l’indépendance de la République chilienne maintint les peuples autochtones dans un état de citoyenneté non réalisée. Peu différent des autres républiques latino-américaines, le projet politique de l’État national chilien impliqua, dans le meilleur des cas, l’assimilation forcée des populations autochtones. Enfin, contrairement à la majorité des peuples autochtones du Nouveau Monde, la perte de l’autonomie territoriale et politique des Mapuches fait partie de l’histoire coloniale récente, ce qui peut expliquer le profond sentiment d’unité culturelle au sein de ce peuple (5).

La réforme agraire et le coup d’État de 1973

Pour Alain Devalpo, « c’est dans l’ombre que les Mapuches ont traversé le 20e siècle. Parqués, appauvris, ils cessent d’être un peuple autonome, indépendant et souverain pour devenir une minorité ethnique opprimée » (6). Il faudra attendre le début des années 1960, avec la réforme agraire du gouvernement Frei et surtout l’approfondissement de celle-ci par l’Unidad Popular de Salvador Allende au début 1970, avant que certaines des terres usurpées soient rendues à des paysans mapuches sur la base non pas de leur origine ethnique, mais plutôt sur la base de leur statut de paysan (7). Le coup d’État du général Pinochet en 1973 allait mettre un frein à la redistribution des terres et de façon plus significative, allait entamer le processus de reconversion des terres agricoles du sud du Chili en terres vouées à l’exploitation forestière avec d’immenses plantations de pins et d’eucalyptus (8). Imposant militairement le modèle économique néolibéral des Chicago Boys, Pinochet allait ouvrir la voie à l’implantation de gros conglomérats exploitant les ressources forestières, minières et hydrauliques des territoires mapuches. Le modèle néolibéral, qui favorisa les industries agroexportatrices et accrut la part des produits agricoles de provenance étrangère, frappa de plein fouet les communautés mapuches et les petits producteurs agricoles non autochtones (9). De plus, éliminant les titres collectifs de propriété de la terre, Pinochet entama ainsi un processus de privatisation des terres qui eut un impact majeur et négatif sur la consolidation du territoire mapuche. C’est à partir de ce moment que l’exode rural des Mapuches prit une ampleur considérable, faisant en sorte qu’aujourd’hui, la majorité des Mapuches vit en milieu urbain, notamment dans les villes de Temuco, Concepción et Santiago (10).

La fin de la dictature et la transition « démocratique »

Contrairement à plusieurs groupes et organisations de la société civile chilienne, la résistance mapuche ne fut pas matée par la répression de la dictature. En effet, plusieurs organisations furent mises sur pied dans les territoires mapuches afin de défendre leurs revendications territoriales et leurs droits politiques. Ces mêmes organisations participèrent ensuite activement aux processus menant à la restauration de la démocratie à la fin des années 1980 (11). Il est important de mentionner que le mouvement mapuche contemporain est un mouvement complexe au sein duquel il n’y a pas qu’une composante. En effet, il existe différentes organisations, certaines proches de l’État, quelques-unes flirtant avec les partis de gauche et d’autres qui prônent un mode organisationnel autonome et indépendant. Ce sont principalement ces dernières qui subissent le répression de l’État, en particulier la Coordinadora Arauco Malleco (CAM) fondée en 1998 (12).

Participant aux Accords de Nueva Imperial avec le dirigeant concertationniste et futur président Patricio Aylwin (PDC-1990-1994) en 1989, activement impliqués dans l’agence gouvernementale Corporation nationale de développement indigène (CONADI) depuis sa création et dans l’implémentation des droits dans la loi indigène chilienne de 1993 (13), plusieurs groupes mapuches ont du mal à comprendre les politiques des gouvernements chiliens à leur égard depuis la transition. Peu importe qu’ils soient de centre-gauche ou appartiennent à la droite pinochiste, les principaux partis politiques opposent un blocage systématique aux demandes mapuches et refusent même d’engager le dialogue (14). Les gouvernements provenant de la Concertation (regroupant notamment les partis socialiste et démocrate-chrétien) qui se sont succédé depuis 1989, en plus de ne pas rejeter le modèle néolibéral provenant de la dictature, mirent en place une approche combinant paternalisme et répression à l’égard des communautés mapuches (15). S’il est vrai que les gouvernements Frei (PDC-1994-2000) et Lagos (PPD-2000-2006) élaborèrent certaines politiques redistributives, restant sourd aux revendications ayant trait à la reconnaissance, la grande majorité des programmes de développement s’adressant aux Mapuches, comme l’imposant projet Origenes subventionné par la BID, furent élaborés sans la participation et la consultation des communautés visées (16). D’autres projets de moins grande envergure sont marqués par une politique d’assistance visant certaines communautés afin de pacifier ces dernières et de contrer une possible union des organisations mapuches (17). Le gouvernement de Michelle Bachelet (PS-2006-2010) développa quant à lui une stratégie profondément contradictoire. D’un côté, ce gouvernement confirma l’application de la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail qui consacre les droits des peuples autochtones obligeant techniquement l’État à mettre en place des consultations avec les communautés autochtones avant tout projet majeur concernant leur territoire. De l’autre, il poursuivit l’attitude répressive à l’égard des communautés en appliquant la loi antiterroriste, donna son appui aux multiples projets de développement à saveur néolibérale et tenta par certains programmes de redistribution et de développement très localisés, de diviser et fragmenter les communautés mapuches (18). Avant d’aborder davantage l’aspect répressif du gouvernement chilien, il est nécessaire de brosser un portrait des autres sources de conflits.

Oppositions, revendications et criminalisation

Selon les prisonniers politiques mapuches de la prison d’Angol, le conflit actuel est une lutte historique qui « est pour notre droit à exister dans la dignité, à récupérer notre terre, à défendre et protéger nos ressources naturelles. C’est aussi une lutte pour l’autonomie, la libre détermination du peuple mapuche et la récupération de notre tissu politique, économique et culturel » (19). De façon générale, la lutte des Mapuches peut être décrite comme une guerre contre le néolibéralisme où ces derniers défendent des formes d’organisation qui ne sont pas liées aux relations sociales de l’économie de marché. S’ils se sont mobilisés contre la dictature, le réveil des Mapuches s’est fait véritablement au cours des années 1990 par un activisme grandissant. Au départ, cet activisme se traduisit par des occupations de terres des compagnies forestières et des grands latifundiaires ainsi que par les mobilisations contre les mégaprojets hydroélectriques, notamment celui de la compagnie espagnole Endesa sur la rivière Bío-Bío à El Ralco.

Le problème des grands propriétaires terriens est double. D’abord, ils possèdent des millions d’hectares, dont une bonne partie a été usurpée durant le 20e siècle. Ensuite, clôturant leurs terres, ils empêchent les communautés semi-nomades de déplacer leur bétail sur des routes utilisées depuis des générations. En ce qui concerne les grandes exploitations forestières de pins et d’eucalyptus, elles réduisent l’espace vital destiné aux cultures d’autosubsistance et contribuent considérablement à la détérioration des sols et des cours d’eau. Protégées par des gardes armés privés, elles occupent plus de 2 millions d’hectares, alors que le peuple mapuche en dispose de moins de 700 000 (20). Quant à eux, les barrages hydroélectriques, en plus de forcer le déplacement de plusieurs familles mapuches et d’inonder leurs terres et leurs cimetières ancestraux, vont causer de profondes transformations à cet écosystème fragile qui est l’habitat de plusieurs espèces menacées. En plus d’être l’un des territoires où on trouve le plus de ressources naturelles au Chili (bois, pétrole, minerais, etc.), le territoire mapuche comprend aussi d’immenses lacs et de belles plages qui expliquent l’engouement des entreprises touristiques pour la construction d’hôtels de luxe dans la région. Les projets de développement économique et autres projets touristiques nécessitent pour leur réalisation la construction massive d’infrastructures afin de sortir les marchandises du territoire ou d’amener les touristes sur place. Le gouvernement chilien a récemment entrepris plusieurs travaux de voiries, notamment une nouvelle route sur la côte pacifique, ainsi que la construction d’aéroports et d’installations portuaires sur le territoire mapuche (21). Ces projets, autant touristiques qu’infrastructurels, peuvent mener à la relocalisation de communautés entières

D’abord pacifiques, les mobilisations des Mapuches se sont frottées assez vite à la violence étatique, autant physique que légale. La répression dont seront victimes les organisations mapuches en février 1999 (alors que plus de 40 personnes sont arrêtées et une trentaine d’autres blessées par une répression brutale) fera prendre à leurs mobilisations un tournant critique (22). Refusant d’attendre après le gouvernement, la CAM décidera de multiplier les actions directes et d’autodéfense ainsi que d’étendre sa lutte, d’abord orientée dans le domaine forestier, vers les mines, les barrages, l’agrobusiness, l’aquaculture, les grands projets touristiques et, récemment, les imposants travaux de voiries.

La réponse du gouvernement aux actions des organisations mapuches fut une criminalisation démontrant une continuité historique avec les pratiques dictatoriales, ce qui représente un chapitre extrêmement sombre de la transition démocratique chilienne. Pour des atteintes à la propriété privée, les organisations mapuches autonomes et leurs membres se virent accoler l’étiquette « terroriste », et ce, même avant la chute des tours jumelles à New York. Alors que la lutte des Mapuches ne porte pas atteinte à la vie humaine et ne menace pas de grave danger l’ordre constitutionnel (deux éléments importants pour caractériser une action de terroriste selon le droit international) le gouvernement chilien, poussé par les latifundistes et les entreprises forestières, choisit d’appliquer la loi 18 314, ou loi antiterroriste de sécurité intérieure. Cette loi, promue en 1984 dans un contexte de répression de la gauche chilienne, permet notamment la fouille et l’interrogation de suspects sans intervention du judiciaire, la prison préventive sans sursis, la présomption de culpabilité, une prédominance des tribunaux militaires, l’utilisation de témoins anonymes, et l’utilisation de documents secrets dans l’acte d’accusation n’étant pas transmis à la défense (23).

En insérant le conflit contre les Mapuches dans l’agenda sécuritaire, le gouvernement chilien contribua à la militarisation (publique et privée) accrue de l’Araucanie, à une augmentation des violences de la part des forces de l’ordre, comme le montre l’assassinat du jeune Alex Lemun en 2002 ou de Jaime Mendoza en 2009, ainsi qu’à une hausse des opérations policières dans les communautés menant souvent à la détention des dirigeants et dirigeantes de ces dernières. Il semble que le but de la criminalisation, en plus de légitimer la violence de l’État contre les communautés mapuches, soit de sortir le mouvement de revendications mapuches du champ politique pour l’insérer dans le champ pénal (24). On retrouve aussi tout un aspect symbolique dans cette criminalisation. En effet, les principaux médias chiliens véhiculent une image des résistants mapuches construite de façon à entrer en contradiction avec tous les marqueurs symboliques de la société chilienne. Selon Patricia Richards, « The mapuche-as-terrorist is a discursive construct that dehumanises the mapuche and also serves to mobilise opposition to them at the local and national level » (25). Il n’y a pas que les organisations mapuches qui sont victimes de répression, mais aussi les journalistes qui s’intéressent de trop près à leur cause ; les cas Marcelo Garay Vergara et Elena Varela Lopez illustrent bien le désir des autorités de faire taire toute critique (26). Au-delà de la situation des Mapuches, l’application de la loi antiterroriste pose un danger de criminalisation des luttes et des protestations sociales en général dans la société chilienne, alors que des élites dirigeantes s’appuyant sur la loi réactionnaire condamnent quiconque questionne l’ordre établi.

Le conflit mapuche est un problème complexe regroupant autant les aspects économique, territorial, politique que culturel. L’accent du conflit s’est progressivement déplacé. Alors qu’entre 1973 et le milieu des années 1990 les luttes mapuches étaient davantage concentrées en milieu rural et que leur principale revendication concernait la terre, on assiste à de nouvelles dynamiques depuis 1997. Comme le souligne Gloria Muñoz Ramírez, « simultanément à la revendication de ses terres, le mouvement mapuche commença à exiger des droits politiques, principalement le droit à l’autonomie et à l’auto-détermination de son peuple » (27). Par ailleurs, suite à l’exode rural, les mobilisations des Mapuches sont devenues aujourd’hui une réalité urbaine. Selon Ana María Sanhueza, on assiste depuis une décennie à une politisation grandissante des communautés mapuches urbaines, notamment par l’accès à l’éducation supérieure, par un processus de revalorisation de la culture mapuche et une tentative de reconstruction de leur histoire. Inspirée par les luttes passées et fière de leur héritage, la nouvelle génération (autant urbaine que rurale) effectue un processus de récupération de leur mémoire, cette dernière s’amalgamant avec des nouvelles formes d’identité, que ce soit avec d’autres mouvements populaires chiliens ou des mouvements de résistances continentales (28).

En guerre contre l’État chilien et ses forces de sécurité (armée et police) ainsi que contre les compagnies transnationales et leurs gardes privés, les organisations mapuches soutiennent que la solution au conflit passe par la reconnaissance du peuple Mapuche comme une entité ethno-politique, comme un peuple politiquement et territorialement autonome, sans étant nécessairement indépendant de l’État chilien. Les Mapuches luttent contre la politique de discrimination raciale mise en place par les pratiques de l’État, discrimination qui sera dénoncée par le Comité des droits de l’homme de l’ONU en 2007 et en 2009 par le rapporteur spécial sur la situation des droits et des libertés des autochtones, James Anaya (29). Ce conflit montre les problèmes majeurs de modèle de développement chilien et de la démocratie représentative. Bien entendu, il montre les inégalités au niveau de la distribution et de l’accès au territoire ainsi qu’aux ressources naturelles. Cependant, il souligne en même temps l’inégalité d’accès aux moyens de communication et aux institutions du pouvoir politique, inégalités laissant les communautés mapuches sans canaux institutionnels pour exprimer leurs revendications (30). Comme plusieurs autres peuples autochtones à travers les Amériques, les Mapuches demandent de pouvoir participer dans l’élaboration, l’exécution et le contrôle des politiques publiques.

Le Plan Araucanie du gouvernement et le projet alternatif des Mapuches

Le 18 septembre dernier marquait le bicentenaire de la création de l’État chilien. Le gouvernement chilien et les élites du pays, souhaitant célébrer le chemin parcouru depuis l’indépendance, furent prompts à oublier que la société chilienne, en raison de sa configuration historique, est marquée par de puissantes fractures, inégalités et tendances antidémocratiques. Pourtant, les évènements de la dernière décennie imposent un constat amer. L’ère des accords de Nueva Imperal est bel et bien terminée. Avec la répression grandissante de la résistance mapuche s’est ouvert une nouvelle ère de conflits qui s’apparente davantage à la situation sous la dictature militaire.

Au début de l’année 2010, l’élection du multimillionnaire conservateur Sebastián Piñera au pouvoir a mis fin à un cycle de quatre exécutifs concertationnistes consécutifs. Depuis l’ascension de celui que l’opposition surnomme le « Berlusconi chilien », la situation du peuple mapuche est loin de s’être améliorée. Rejetant les revendications mapuches, Piñera a cependant dit souhaiter mettre en place une nouvelle approche permettant d’éviter la confrontation violente. Un premier volet de sa nouvelle politique est de « rénover » l’actuelle CONADI en une nouvelle agence gouvernementale, l’Agencia Nacional de Desarrollo Indigena (ANDI). Cette agence aurait pour objectif de coordonner le deuxième volet de sa politique autochtone, le Plan Araucanie. Par une approche misant sur le développement économique néolibéral, le Plan Araucanie a pour objectifs l’amélioration des infrastructures (routes, ports, réservoirs) et des offres de services du secteur privé (éducation, santé). Piñera a annoncé en août dernier des investissements massifs par le biais du Plan Araucanie (en plus d’arrangements fiscaux avantageux) afin d’accroître la compétitivité de la région en attirant des investisseurs nationaux et étrangers (31). De par ses modalités particulières, ce plan semble davantage conçu pour les principaux alliés de Piñera, soit les industriels agricoles et forestiers qui ont participé depuis des décennies aux actions de répression contre les communautés rurales mapuches.

Quelques jours avant la sortie des mineurs chiliens, le président Piñera, devant une forte pression internationale et ne souhaitant pas entacher sa nouvelle auréole de sauveur par la mort de prisonniers politiques, commença un dialogue avec ces derniers sous l’égide de l’Église catholique. À la fin du mois de septembre, José Bengoa, professeur à l’Universidad Academia de Humanismo Cristiano et membre du comité consultatif du Conseil des droits de l’Homme, affirmait que les protagonistes « (...) utilisent deux langages totalement différents. D’une part, les jeunes mapuches exigent des droits politiques tandis que le gouvernement, qui est en train de faire un énorme pas en arrière, parle de lutte contre la pauvreté, de développement et de construction de routes. Ce sont deux points de vue totalement différents, donc la grève de la faim ne risque pas de s’arrêter rapidement » (32). Un accord fut finalement atteint le 9 octobre, davantage pour des raisons humanitaires que pour la satisfaction de leurs revendications. Le gouvernement Piñera a fait la promesse de ne pas utiliser la loi antiterroriste contre les 32 prisonniers mapuches et de les faire juger par un tribunal civil sans recours aux témoins anonymes. S’agissant d’une mesure ad hoc, les Mapuches n’ont aucune garantie que la loi 18134 ne sera pas utilisée dans d’autres accusations à venir. Le gouvernement devrait aussi apporter un amendement à la loi antiterroriste, amendement qui dans sa formulation actuelle risque de ne rien changer à la criminalisation de leurs revendications. Ce dossier est à suivre.

Il reste à espérer que les gains des grévistes de la faim ne soient pas qu’éphémères et que les organisations mapuches réussissent enfin à s’insérer dans l’espace public (33). Étant un des rares acteurs ayant dénoncé systématiquement les lacunes démocratiques persistantes et le modèle néolibéral en vigueur au Chili, le mouvement mapuche est le dépositaire d’un projet alternatif qui semble avoir réussi à éviter les écueils d’un nationalisme ethnique exclusif. Abordant des thèmes comme « multiculturalisme, approfondissement de la démocratie, citoyenneté et interculturalité, décentralisation du pouvoir et des nouvelles formes de représentation sociale et politique, modèles de développement et impacts de ces derniers sur l’humanité et sur la planète, etc. » (34), le mouvement mapuche rejoint la matrice des luttes autochtones allant du zapatisme mexicain à l’indigénisme bolivien, et ce, tout en s’adressant à une audience beaucoup plus large.

Gabriel L’Écuyer
Assistant de recherche à la Chaire Nycole Turmel

Notes*

Je tiens à remercier Marie Léger pour ses judicieux commentaires. Nul besoin de mentionner que je suis seul responsable de l’argumentaire et des erreurs commises.

(1) Franco Ferreira, « Mapuches ? Vous avez dit Mapuches ? », Courrier International, 2 septembre 2010, En ligne :http://www.courrierinternational.com/article/2010/09/06/mapuches-vous-avez-dit-mapuches
(2) Pedro Cuyaqueo, « Le réveil des mapuches », Courrier International, 27 octobre 2010, En ligne :
http://www.courrierinternational.com/article/2010/10/27/le-reveil-des-mapuches
(3) Patricia Richards, « Of Indians and Terrorists : How the State and Local Elites Construct the Mapuche in Neoliberal Multicultural Chile », Journal of Latin American Studies, 42 (1), p. 61.
(4) Ibid., p. 62.
(5) Justin Podur et Manuel Rosental, « Azkintuwe and the Mapuche Struggle : An Interview with Pedro Cayuqueo », Vancouver Media Co-op, 20 octobre 2010, En ligne : http://vancouver.mediacoop.ca/story/azkintuwe-and-mapuche-struggle-interview-pedro-cayuqueo/4897
(6) Alain Devalpo, « Opposition pacifique des Mapuches chiliens », Le Monde diplomatique, février 2006, En ligne :
http://www.monde-diplomatique.fr/2006/02/DEVALPO/13171#nb10
(7) Une des thèses de Patricia Richards est que l’approche historique de la gauche (et le centre-gauche) chilienne est de voir les Mapuches à travers la lunette des classes sociales et non de l’ethnicité, ce qui rend extrêmement problématique pour celle-ci toute revendication demandant la reconnaissance et non la « simple » redistribution. Patricia Richards, op. cit., p. 68.
(8) Plus que seulement mettre un frein à la réforme agraire, le gouvernement de Pinochet mit en place une contre-réforme restaurant les droits de propriété des élites locales ayant été « victimes » de la réforme agraire. En effet, Pinochet promulgua la loi 701, permettant que 300 000 hectares attribués par la réforme agraire de Salvador Allende en faveur des membres des communautés indigènes soient vidés de leurs occupants, achetés ou concédés à des entreprises forestières ou à d’anciens latifundistes de la zone. À la fin de la contre-réforme, seulement 16 % des terres récupérées par des familles paysannes mapuches entre 1962 et 1973 étaient toujours entre leurs mains. Patricia Richards, op. cit., p. 64.
(9) Jaime Massardo, « Les Mapuches chiliens tués à petit feu », Le Monde diplomatique, novembre 1999, En ligne : http://www.monde-diplomatique.fr/1999/11/MASSARDO/12710
(10) Alain Devalpo, op. cit.
(11) José Aylwin, Indigenous Peoples Right in Chile. Progresses and Contradictions in a Context of Economic Globalization, Communication présentée lors de la rencontre de la Canadian Association for Latin American and Carribean Studies, Vancouver, mars 1998, En ligne :http://www.xs4all.nl/ rehue/art/ayl2.html#fnB0
(12) Gloria Muñoz Ramírez, « Chili : La lutte du mouvement mapuche autonome », septembre 2005, En ligne : http://risal.collectifs.net/spip.php?article1455. Pour avoir une idée de la cartographie des organisations mapuches, voir les liens que l’on retrouve sur ce site : http://www.mapuche-nation.org/espanol/enlaces.htm
(13) La Loi indigène chilienne de 1993 résultait des accords de Nueva Imperial. Si elle reconnait certains droits individuels et collectifs pour les Mapuches, notamment certains droits relatifs à la terre et à l’eau, elle a une portée réduite dans la mesure où les lois sur la pêche, les mines, le bois et l’électricité prévalent. De plus, elle ne reconnaît pas le concept de « peuple mapuche », de l’autonomie territoriale ou encore de reconnaissance des autorités traditionnelles. La CONADI fut mise en place en 1993 par la Loi indigène afin d’administrer les provisions de celle-ci. Aux dires d’Alain Devalpo, elle se révéla être « une instance bureaucratique de reproduction de domination et parfois même de négation de la culture mapuche par l’État et ses agents ». Alain Devalpo, op. cit.
(14) Alain Devalpo, « Mapuches, les Chiliens dont on ne parle pas », Le Monde diplomatique, 15 septembre 2010, En ligne :
http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2010-09-15-Mapuches
(15) Comme le souligne Franck Gaudichaud, la Coordination « a eu pour fonction essentielle de négocier une sortie de dictature avec les militaires et les classes dominantes. Ce pacte a signifié l’acceptation du modèle néolibéral des « Chicago boys », de nombreux accords parlementaires avec la droite, le maintien de toute une partie de l’héritage institutionnel autoritaire (Constitution, système électoral binominal, code du travail, loi d’amnistie) et la garantie d’une large impunité pour les responsables de violation des droits de l’homme ». Franck Gaudichaud, « Un entrepreneur multimillionnaire à la tête du Chili », Le Monde diplomatique, 19 janvier 2010, En ligne : http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2010-01-19-Chili
(16) Patricia Richards, op. cit, p. 69.
(17) Alain Devalpo, op. cit.
(18) Raúl Zibechi, « La imposible domesticación del pueblo mapuche », La Jornada, 10 septembre 2010, En ligne :
http://www.jornada.unam.mx/2010/09/10/index.php?section=opinion&article=023a2pol(19) Gloria Muñoz Ramírez, op. cit.
(20) Ibid.
(21) Ibid.
(22) Jaime Massardo, op. cit.
(23) Fernando Marcelo de la Cuadra, « Conflicto Mapuche : génesis, actores y perspectivas », Revista OSAL, septembre 2001, En ligne :
http://bibliotecavirtual.clacso.org.ar/ar/libros/osal/osal5/sur.pdf(24) Victor Toledo Llancaqueo, 2007, « Prima ratio. Movilización mapuche y política penal. Los marcos de la política indígena en Chile 1990-2007 »,Revista OSAL, no 22, septembre 2007, En ligne :
http://bibliotecavirtual.clacso.org.ar/ar/libros/osal/osal22/CDH22Toledo.pdf(25) Patricia Richards, op. cit, p. 80.
(26) Pour le cas de Marcelo Garay Vergara, consultez http://fr.rsf.org/chili-arrestation-d-un-journaliste-13-09-2010,38343.html. Pour le cas d’Elena Varela Lopez, consultez http://www.france-libertes.org/IMG/pdf/dp_elena_varela_lopez.pdf.
(27) Gloria Muñoz Ramírez, op. cit.
(28) Ana María Sanhueza, « Intelligentsia Mapuche », Que Pasa, En ligne :http://www.quepasa.cl/articulo/19_4103_9.html
Voir aussi Pedro Cuyaqueo, op. cit.
(29) James Anaya, « La situation des peuples autochtones au Chili », Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones, octobre 2009, en espagnol, En ligne :
http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/12session/A.HRC.12.34.Add.6_sp.pdf(30) Fernando Marcelo de la Cuadra, op. cit.
(31) Pour le site officiel du Plan Araucanie, voir le lien suivant :http://www.planaraucania.cl/index.php?id_portal=1
Pour une critique de ce plan, voir : http://www.liberar.cl/web/index.php?option=com_content&view=article&id=157 :-criticas-al-plan-araucania&catid=10:editorial&Itemid=28
(32) Daniel Estrada, « Les Indiens mapuches en grève depuis plus de 80 jours », IPS, 1er octobre 2010, En ligne :http://www.ipsnouvelles.be/news.php?idnews=10724
(33) Une dépêche du 23 novembre provenant du quotidien chilien El Ciudadano mentionne que plusieurs prisonniers menacent de reprendre leur grève de la faim parce que le gouvernement ne respecte pas les promesses faites, notamment la fin des témoins anonymes et la non-application de la loi antiterroriste pour les crimes dont ils sont accusés. Sebastián Fierro K., « Presos políticos mapuches listos para retomar huelga de hambre », El Ciudadano, 23 novembre 2010, En ligne : http://www.elciudadano.cl/2010/11/23/presos-politicos-mapuches-listos-para-retomar-huelga-de-hambre/
(34) Pedro Cuyaqueo, op. cit.

La chaire Nycole Turmel met à votre disposition quelques liens permettant d’aller plus en profondeur dans la compréhension des revendications mapuches actuelles et de leur conflit avec l’État chilien.

1) « Résistance Mapuche » un photo-reportage de Fred Jacquenot, En ligne :
www.picturetank.com/___/series/8731f895d24a1c12e23ce1b59ac5558b/RESISTANCE_MAPUCHE_%28office%29.html
2) Alain Devalpo, « Mapuches, les Chiliens dont on ne parle pas », Le Monde diplomatique, 15 septembre 2010, En ligne :
http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2010-09-15-Mapuches
L’auteur effectue un bref retour sur les origines du conflit entre le peuple mapuche et l’État chilien. Il termine en évoquant la situation actuelle des mobilisations mapuches dans un contexte où les médias ne parlent que du sort des mineurs prisonniers.
3) Pedro Cuyaqueo, « Le réveil des mapuches », Courrier international, 27 octobre 2010, En ligne :
http://www.courrierinternational.com/article/2010/10/27/le-reveil-des-mapuches
Déconstruisant les caricatures des mobilisations mapuches, Pedro Cuyaqueo montre la maturité de la génération mapuche montante et souligne que leur projet a des retombées qui ne touchent pas que les peuples autochtones ni même la nation chilienne.
4) Ana María Sanhueza, « Intelligentsia Mapuche », Que Pasa, En ligne :http://www.quepasa.cl/articulo/19_4103_9.html
Comme le résume bien Pedro Cuyaqueo dans le lien précédent, Ana María Sanhueza « décrit l’irruption d’une nouvelle génération mapuche, de jeunes conscients de leurs droits, fiers de leurs origines et, bien que formés dans le moule de la “connaissance occidentale”, résolus à ne pas oublier le chemin parcouru jadis par leurs grands-parents ».
5) Maurice Lemoyne, « Indiens, électrification et ... Pacha Mama », Le Monde diplomatique, mai 2010, En ligne :
http://www.monde-diplomatique.fr/2010/05/LEMOINE/19091
Maurice Lemoyne effectue un retour sur les mobilisations identitaires des peuples autochtones de l’Amérique latine. Soulignant les points positifs des dynamiques identitaires, il identifie aussi des limites inhérentes à ces dernières.
6) Justin Podur et Manuel Rosental, « Azkintuwe and the Mapuche Struggle : An Interview with Pedro Cayuqueo », Vancouver Media Co-op, 20 octobre 2010, En ligne : http://vancouver.mediacoop.ca/story/azkintuwe-and-mapuche-struggle-interview-pedro-cayuqueo/4897
Entrevue réalisée avec Pedro Cayuqueo, Mapuche et fondateur de l’agence de nouvelles Azkintuwe. Il traite tour à tour de son parcours, de la nature historique et contemporaine du conflit entre l’État et les Mapuches, de la mise en place du modèle néolibéral et des grévistes de la faim.
7) Conflicto Mapuche, conférence de l’historien chilien Jose Bengoa tenue le 6 septembre 2010 à l’initiative du Red de Iniciativas Ciudadanas La Florida, En ligne : http://www.youtube.com/watch?v=WeHkK4tYtoQ&feature=related
8) Peuple Mapuche, massacre à la tronçonneuse, un documentaire réalisé par Lionel Mesnard, En ligne :
partie 1 : http://www.dailymotion.com/video/x47ahy_peuple-mapuche-massacre-a-la-tronco_news
partie 2 : http://www.dailymotion.com/video/x47a70_peuple-mapuche-massacre-a-la-tronco_news
partie 3 : http://www.dailymotion.com/video/x479um_peuple-mapuche-massacre-a-la-tronco_politics
9) James Anaya, « La situation des peuples autochtones au Chili », Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones, octobre 2009, en espagnol, En ligne :
http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/12session/A.HRC.12.34.Add.6_sp.pdf
10) Victor Toledo Llancaqueo, 2007, « Prima ratio. Movilización mapuche y política penal. Los marcos de la política indígena en Chile 1990-2007 »,Revista OSAL, no 22, septembre 2007, En ligne :http://bibliotecavirtual.clacso.org.ar/ar/libros/osal/osal22/CDH22Toledo.pdf
L’auteur brosse un portrait des différents cycles de mobilisation mapuche depuis la fin de la dictature. Il se penche aussi sur la criminalisation des mobilisations des organisations mapuches entre 1990 et 2007. Considérant cette criminalisation comme le chapitre noir de la transition démocratique au Chili, l’auteur termine en explorant quelques recours juridiques internationaux permettant de faire pression sur l’État chilien.
11) Raúl Zibechi, « La imposible domesticación del pueblo mapuche », La Jornada, 10 septembre 2010, En ligne :
http://www.jornada.unam.mx/2010/09/10/index.php?section=opinion&article=023a2pol
Effectuant un rapide tour d’horizon de la question mapuche, Raúl Zibechi montre comment l’État chilien traite les Mapuches comme des citoyens de second rang ou comme des colonisés.
12) Périodique et agence de nouvelles du pays mapuche, Azkintuwe (El Mirador) a été fondé par le journaliste Pedro Cayuqueo en 2003. La ligne éditoriale défendue par Azkintuwe est celle d’un approfondissement de la démocratie et d’un respect du droit à la communication et au pluralisme informatif, En ligne : http://www.azkintuwe.org/
13) ONG de défense, de promotion et de documentation des droits humains au Chili fondée en 2004, l’Observatorio Ciudadano est codirigé par José Aylwin, avocat chilien spécialisé dans le respect des droits humains des peuples autochtones, En ligne : http://www.observatorio.cl/
14) Fernando de la Cuadra, « La criminalizacion del conflicto mapuche »,CETRI, 25 août 2010, En ligne :
http://www.cetri.be/spip.php?article1754&lang=es
Fernando de la Cuadra énonce les revendications des prisonniers mapuches qui ont fait une longue grève de la faim et traite des raisons passées et contemporaines qui ont mené à la criminalisation de ce conflit par les gouvernements successifs depuis Pinochet.
15) Convention relative aux peuples indigènes et tribaux de l’OIT, En ligne :http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/convdf.pl?C169
Pour son application plus spécifique, voir :http://www.ilo.org/indigenous/Conventions/no169/lang—fr/index.htm

Partager sur :

Dernières publications

NOUS JOINDRE

Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation (CEIM)
Université du Québec à Montréal
400, rue Sainte-Catherine Est
Pavillon Hubert-Aquin, 1er étage
Bureau A-1560
Montréal (Québec) H2L 2C5 Canada

514 987-3000 poste 3910
Télécopieur : 514 987-0397
ceim@uqam.ca

À PROPOS

Doté d’une structure favorisant la recherche, l’innovation et l’échange des idées, le CEIM réunit des chercheurs de réputation internationale spécialistes de l’économie politique des processus d’intégration et de mondialisation. Les accords commerciaux, la mondialisation, le régionalisme, le pouvoir des firmes, l’impact du numérique, autant de questions qui font l’objet des recherche du centre.


Faites un don

Je donne

ABONNEZ-VOUS AU BULLETIN DU CEIM