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Israël et les pays arabes du Golfe: un récit passionnant, mais tragique

Les efforts d'Israël pour se faire reconnaître dans la région ne sont pas nouveaux, mais l'inquiétude des pays arabes sunnites du Golfe à l'égard de l'Iran crée désormais une certaine communauté d'intérêts qui n'existait pas auparavant.
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Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le sénateur républicain américain Lindsey Graham et l'ambassadeur américain en Israël, David Friedman, visitent la frontière entre Israël et la Syrie sur le plateau du Golan, occupé par Israël.
Ronen Zvulun/Reuters
Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le sénateur républicain américain Lindsey Graham et l'ambassadeur américain en Israël, David Friedman, visitent la frontière entre Israël et la Syrie sur le plateau du Golan, occupé par Israël.

Deux évènements récents ont remis en lumière les liens ambigus qu'entretiennent Israël et les pays arabes du Golfe. En effet, en octobre dernier, le premier ministre israélien Nétanyahou se faisait photographier en compagnie de son hôte le Sultan Qaboos d'Oman, à Mascate (photo ci-bas). On rapporte que ce dernier voulait s'attirer les bonnes grâces de Washington alors que son pays a une politique iranienne plus équilibrée que ses voisins.

Handout . / Reuters

Puis, le mois dernier, dans le contexte d'une conférence à Varsovie en Pologne sous l'égide des Américains sur la sécurité au Moyen-Orient (mais visant essentiellement l'Iran), Bibi, comme on l'appelle, rencontrait des ministres des Affaires étrangères du Golfe. La vidéo d'une session fermée au public où des ministres arabes évoquent le droit d'Israël à se défendre contre Téhéran fuitait opportunément, peu après, sur le site web du premier ministre israélien, avant d'être retirée rapidement.

Bien sûr, les efforts d'Israël pour se faire reconnaître dans la région ne sont pas nouveaux. Mais l'inquiétude des pays arabes sunnites du Golfe à l'égard de l'Iran crée désormais une certaine communauté d'intérêts qui n'existait pas auparavant. Il faut se rappeler que dans le contexte des négociations de paix d'Oslo, Israël avait jadis pu ouvrir des bureaux à Oman et Doha au Qatar. Fermés depuis.

L'administration Trump encourage ce développement d'autant plus que cela se conclut toujours par des ventes d'armes américaines chez ces nouveaux alliés... Tout le monde y trouvant son compte.

Les grands perdants sont une fois encore les Palestiniens, qui ne figurent plus dans les grandes priorités du monde arabe.

Avec le chaos en Syrie, en Irak et au Yémen, la montée en puissance iranienne ou le terrorisme djihadiste, les dirigeants arabes ont d'autres chats à fouetter que la cause qui a accaparé les revendications arabes depuis des décennies et qui a provoqué trois guerres.

Néanmoins, alors que ces contacts de moins en moins discrets entre Jérusalem et les capitales du Golfe se déroulent, les monarques arabes marchent sur des œufs. En effet, leurs populations restent attachées au sort de leurs frères palestiniens et à l'avenir des lieux saints à Jérusalem. Ainsi, après des décennies de paix et la présence d'ambassades dans leurs capitales respectives, même l'Égypte et la Jordanie limitent les relations avec Israël pour cette même raison, notamment.

La décision américaine de déménager son ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem n'a pas provoqué le soulèvement de la «rue arabe» comme on le craignait, mais il est certain qu'elle a provoqué des réactions négatives dans le Golfe et a confirmé les sérieux doutes que d'aucuns avaient encore sur la «neutralité» américaine dans le dossier palestino-israélien. Même les Saoudiens ont dû critiquer ce développement unilatéral.

Le tout récent tweet Trumpien annonçant que Washington devrait reconnaître la souveraineté d'Israël sur le Golan qu'elle occupe aux yeux du reste de la communauté internationale (y compris du Canada) est un autre changement de politique soudain qui tombe mal pour ces monarchies pétrolières. Elles devront d'une façon ou d'une autre exprimer leur mécontentement, pour la galerie. Mais compte tenu de leur dépendance à l'égard de Washington, cela ne devrait pas aller plus loin. Le Golan étant surtout un problème syrien. Bachar Al Assad ne trouvera pas beaucoup de défenseurs...

Les pays s'opposant au régime de Téhéran se sont réjouis que les États-Unis se retirent de l'accord nucléaire avec l'Iran et réimposent leurs sanctions, mais le changement de régime qu'ils souhaitaient se fait attendre. Les mollahs sont coriaces et l'Iran continue de se positionner en Irak et en Syrie.

Les Israéliens ont développé une expertise dans le domaine de la défense et de la sécurité qui intéresse les pays arabes du Golfe. Et ils en profitent probablement déjà. Cependant, tant que le dossier palestinien ne sera pas réglé, il y a fort à parier que l'établissement de relations diplomatiques, par exemple, n'est pas pour demain. Les contacts entre ces alliés de circonstance vont sûrement se poursuivre, mais surtout sous les radars.

D'ailleurs, on peut même se demander si cette nouvelle complicité israélo-arabe contre Téhéran résisterait à un changement de paradigme. Ainsi, le NY Times rapportait récemment des contacts de proches du président Trump et de Riyad visant à équiper l'Arabie saoudite de centrales nucléaires pour soi-disant diversifier ses sources de production d'énergie.

Les Saoudiens ont souvent indiqué que si l'Iran avait pu faire ses propres efforts pour développer le nucléaire, dans le passé, ils pourraient eux aussi faire de même.

Pas sûr que cette perspective enchante la région et les autres puissances nucléaires dans le monde (incluant Israël). Quand on voit comment se comporte le prince héritier Mohamed Bin Salman, il y a de quoi s'inquiéter si, une fois sur le trône, il pouvait, un de ces jours, utiliser l'arme atomique!

D'autre part, certains observateurs s'inquiètent qu'après avoir obtenu des concessions majeures de l'administration américaine actuelle sur Jérusalem et le Golan, on se préparerait à une annexion pure et simple de la Cisjordanie par Israël.

Dans pareille situation, l'échiquier moyen-oriental serait complètement transformé et l'on ferait face à une toute nouvelle dynamique. Y compris pour les États du Golfe.

Décidément, cette région demeurera toujours imprévisible! C'est ce qui la rend à la fois passionnante et tragique.

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