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Femmes autochtones détenues et criminalisation de la pauvreté au Mexique


Dans cet article, je me propose d’introduire les lecteurs et lectrices de Recherches amérindiennes au Québec à la réalité des femmes autochtones incarcérées au Mexique.Cette démarche contribuera ainsi à dresser des ponts analytiques sur les différences et les similarités entre les processus de criminalisation des populations autochtones des Amériques.

Bien que les contextes mexicain et canadien soient très différents quant à leur développement économique et social, dans ces deux cas le colonialisme et le racisme ont marqué l’insertion des peuples autochtones à l’intérieur des projets nationaux. Ils ont aussi marqué la manière dont la pauvreté a été criminalisée, entraînant comme conséquence une surreprésentation d’hommes et de femmes autochtones dans les prisons. Dans ces deux contextes, le nombre de femmes autochtones incarcérées a augmenté de manière exponentielle au cours de la dernière décennie : tandis que, dans le cas du Canada, l’augmentation a été de 90 % pour les dix dernières années (Wesley 2012), au Mexique le nombre a augmenté de 122 % de 1994 à 2012.

Dans les deux pays, la détention de femmes autochtones s’inscrit dans des contextes de pauvreté et de marginalisation (Amnistie internationale 2005). Il s’agit d’une nouvelle forme de violence et de déstructuration qui les éloigne de leurs communautés et de leurs familles et qui peut être analysée comme une manifestation des stratégies néocoloniales contre les peuples autochtones. Bien que dans ces deux pays on parle de politiques de reconnaissance des droits des peuples autochtones, ces rhétoriques multiculturelles s’accompagnent d’une criminalisation de la pauvreté et de contestation sociale.

Bien que cet article ne propose pas une étude comparative entre ces deux contextes, je considère que l’analyse de la réalité des femmes autochtones mexicaines peut apporter des éléments pour comprendre les nouvelles stratégies du colonialisme dans les autres régions autochtones du continent.

Le processus de réglementation et de construction des identités à partir de la reconnaissance de droits cache une autre facette, qui repose sur la négation de ces droits dans la pratique de la justice étatique à partir de la criminalisation des mouvements sociaux et de la pauvreté. Parallèlement à l’appropriation des discours sur les droits comme forme de gouvernance, nous assistons à un processus de criminalisation de la dissidence et à un durcissement du système pénal qui affectent de manière particulière les hommes et les femmes autochtones défavorisés.

L’expérience des femmes autochtones détenues constitue peut-être un espace privilégié pour analyser les contradictions qui existent entre la rhétorique de la reconnaissance des droits et les espaces réels de la justice d’État. La criminalité est imprégnée par les différences ethniques et de genre. Pour celles qui s’intéressent à la problématique de la justice et de l’équité à partir de l’expérience des femmes, il importe de se demander comment le racisme structurel marque aussi la manière dont se construit la criminalité dans le cas de sujets féminins racialisés. Dans ce travail, j’explorerai de manière critique comment le système pénitentiaire se convertit en un espace de domestication et d’approfondissement du racisme structurel.

Je présenterai ensuite le panorama national de la population autochtone face à la justice pénale pour finalement me concentrer sur les expériences des femmes autochtones détenues à la section féminine du CERESO (Centro de Readaptación Social) Morelos, à Atlacholoaya. Par la suite, je développerai une réflexion de nature plus méthodologique en analysant l’expérience collaborative des dialogues interculturels dans le cadre de l’« Atelier de récits de vie » que j’ai réalisé à la prison féminine d’Atlacholoaya, pour ensuite analyser les trajectoires d’exclusion des femmes détenues depuis une perspective intersectionnelle. Finalement, je conclurai avec quelques réflexions sur l’impact de la mondialisation dans le domaine de la justice à travers de nouvelles formes de réglementation et de contrôle qui répondent aux tendances transnationales de construction d’États pénaux néolibéraux.

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