Midi-conférence avec Pr. Marc Bernardot

Genèse et diffusion de la liquidité dans l’économie. Étudier la globalisation économique à partir des métaphores

Jeudi 31 octobre 2019 de 12h30 à 14h, salle A-1715, pavillon Hubert-Aquin (UQAM)

Genèse et diffusion de la liquidité dans l’économie. Étudier la globalisation économique à partir des métaphores

Conférence du Professeur Marc Bernardot (Lames, MMSH, Aix-Marseille Université)

Jeudi le 31 octobre 2019, 12h30 – 14h00, Local A-1715

L’événement est ouvert au public.

Résumé

La métaphore de la liquidité a pris une place prépondérante dans les discours économiques et politiques ces dernières décennies. Cette communication s’intègre dans un programme de recherche généalogique et cartographique de la pensée de la globalisation contemporaine (Bernardot & Thomas 2014, Bernardot 2016, 2018) à partir de l’étude des métaphores (Marcus 1995, Tsing 2000, Urry 1995). Nous abordons ici les usages de la métaphore de la liquidité dans la science économique. Le discours économique utilise de nombreuses métaphores (Barré 1991, Rollo 2012) pour exprimer les ordres de grandeurs, les liens de causalités et les états de la richesse, la genèse de la valeur, la structure des échanges. Nous poursuivons les travaux de celles et ceux qui ont repéré et interrogé l’importance des métaphores dans la description de la richesse, de la monnaie et plus largement des phénomènes économiques (Caffentzis 2003, Desmedt 2005, Foucault 1966, Helmreich 2011, Resche 2016, Rollo 2012). Nous proposons de retracer l’évolution du champ sémantique de la liquidité dans la pensée économique depuis les premiers auteurs de l’économie moderne jusqu’à nos jours. Ce type d’association entre phénomènes économiques et éléments liquides, est devenu iconique en raison de sa place centrale et hégémonique dans les discours institutionnels et dans les représentations collectives. Un ensemble de termes, de tropes et de schémas narratifs, employés dans la langue économique, appartiennent ainsi à un système sémantique et métaphorique en lien avec l’eau, les éléments marins et les fluides dans des acceptions hydrologiques ou maritimes qui se combinent avec celles de la thermodynamique et de l’hydraulique. Nous utilisons la notion d’architexte, développée par G. Genette (1979), comme principe central de notre méthode d’investigation socio-sémiologique nous permettant de relier d’une part des éléments discursifs et d’autre part des configurations socioéconomiques et politiques qui ne sont pas habituellement étudiées simultanément. La langue économique usuelle recourt à l’imagerie aquatique et liquide (débit, fonds, dérivés, versement, changes flottants, cash flow, to float a loan …) de même que la langue argotique lorsqu’elle évoque la corruption (mouiller, tremper, arroser, graisser…). Le jargon expert mobilise lui un ensemble de mots ou de formules qui figurent la manipulation des richesses à partir de la plomberie (injection, fluctuation, stagnation…). Ce champ sémantique de la liquidité se retrouve aussi dans les stratégies de naming de la financiarisation (Pipe, Tube, Stream, Pool, Channel…). Un dernier étage lexical constitue la trame théorique et stratégique des discours économiques. Il met en évidence les mécanismes généraux et l’imagination du capitalisme contemporain (Haiven 2011) en termes de flux (Neyrat 2011), de fluidification (Pasanek & Polillo 2013), de circulation (Gillespie 2013, LiPuma & Lee 2005), ou encore d’écoulement (Sutherland 2013) qui participent à la modélisation et au déploiement des dispositifs économiques et marchands d’entreprises comme Amazon, Warl Mart, Zara, Ebay et bien d’autres encore. Les représentations de l’économie et les principes structurant les technologies numériques, eux-mêmes largement inspirés par l’univers de la liquidité, sont articulés à chacun de ces registres linguistiques (Bernardot 2018). Nous retraçons (1.) d’abord à partir d’un recueil d’extraits de textes classiques la généalogie des notions de liquide et de liquidité(s) dans la langue et la pensée économiques. Nous nous basons ensuite (2.) sur un corpus de presse financière contemporaine qui nous permet de mettre en évidence la multiplication des tropes liquides mobilisés pour décrire la globalisation économique. Nous concluons en proposant une analyse critique de ce registre sémantique dominant.

Biographie

Marc Bernardot est Professeur de sociologie (PR1) à Aix Marseille Université au département de sociologie et membre du Laboratoire méditerranéen de sociologie (LAMES-MMSH). Il assure la responsabilité de l’axe 2 du LAMES « Recompositions migratoires en Méditerranée : mobilités, genre, frontières ». Il est référent relations internationales pour le département de sociologie ALLSH AMU. Il est directeur de la publication des éditions TERRA-HN, co-animateur du réseau scientifique TERRA-Humanités numériques et co-rédacteur en chef de la revue Asylon(s).Digitales. Il enseigne actuellement dans le département de sociologie (ALLSH-AMU) la sociologie générale, la sociologie de la ville et de l’habitat, de l’environnement, des mobilités et des migrations, les théories sociologiques contemporaines, l’épistémologie des sciences et les méthodes qualitatives.Ses recherches portent sur la globalisation dans une double perspective sémiologique et sociohistorique selon les trois axes de l’espace, des liens entre souveraineté et marché, de la culture. Ses publications couvrent ainsi un domaine situé à l’intersection de la sociologie urbaine et des mobilités, la sociologie de l’Etat et du monde économique, la sociologie de la culture et des mobilisations. Il développe ces derniers années un programme de recherches centré sur la place des métaphores dans les sciences et les sociétés contemporaines. Il y traite notamment des notions clés de mobilité, d’hybridité et de liquidité structurant les pratiques et les représentations sociales, culturelles, politiques et économiques. Parmi les questions de terrain qu’il investigue, celles liées à l’eau et aux fluides plus généralement, les situations d’habitats non ordinaires, les configurations de crises urbaines ou environnementales, occupent une place centrale.

Pour plus de renseignements, veuillez contacter Olivier Barsalou.

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