Mon clin d’œil

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OPINION

RELATIONS ÉCONOMIQUES INTERNATIONALES Des conditions prometteuses pour le Québec

Les initiatives du premier ministre François Legault afin de revoir l’arrimage entre le ministère des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF), Investissement Québec (IQ) et la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), puis de donner l’impulsion d’une nouvelle diplomatie économique pour le Québec, sont les bienvenues. Même si l’initiative n’est pas sans précédent dans l’histoire du Québec, les conditions du succès n’ont jamais été aussi favorables.

Déjà, il est assez rafraîchissant de constater que, contrairement aux deux gouvernements précédents, les libéraux de Philippe Couillard et les péquistes de Pauline Marois, les actions internationales du Québec ne subissent pas de profondes coupes budgétaires en début de mandat, qui ont pour conséquence de déstabiliser les stratégies internationales du Québec pendant plusieurs années.

Dès les années 70

L’initiative n’est pas unique cependant, car, dès les années 70, le premier ministre Robert Bourassa, afin de dépolitiser la relation France-Québec, mais également les relations États-Unis–Québec, a cherché à leur donner une dimension économique plus forte. Il fut d’ailleurs le premier premier ministre québécois de l’histoire à se présenter devant l’Economic Club de New York.

Dans les années 80, Bernard Landry met également les questions économiques au cœur de la politique internationale du Québec, notamment en insistant pour que les affaires intergouvernementales canadiennes soient séparées des relations internationales. Dans la seconde moitié des années 80, le ministre Paul Gobeil et, par la suite, John Ciaccia déploraient aussi que le Québec ait plusieurs voix non coordonnées à l’étranger, notamment en matière économique. Puisque les délégués du Québec ne possédaient pas d’autorité hiérarchique sur les conseillers commerciaux, l’efficacité des politiques économiques du Québec à l’étranger en était touchée.

Les conditions sont plus favorables de nos jours, car l’initiative provient du premier ministre.

François Legault donne l’impression, comme Jean Charest, d’être particulièrement investi dans la question de la politique économique internationale du Québec.

Dans le régime politique québécois, l’influence du premier ministre sur les actions du gouvernement est décisive. C’est ce qui explique en large partie pourquoi l’héritage en matière de relations internationales de Jean Charest est si important, qu’on pense à l’entente de mobilité France-Québec, au marché du carbone avec la Californie ou encore à la relance des négociations entre le Canada et l’Union européenne pour conclure un accord commercial. L’ancien premier ministre faisait un suivi régulier de l’avancement des projets. Si on se fie à des déclarations passées, M. Legault tiendra à recevoir des suivis réguliers des progrès du Québec en matière de diplomatie économique.

Les conditions sont également plus favorables que par le passé, car le Canada vient de conclure plusieurs accords commerciaux d’importance, que ce soit l’AECG avec l’Union européenne ou le Partenariat transpacifique global et progressiste avec d’importants pays comme le Japon, le Viêtnam, le Mexique et l’Australie. Il y a finalement le renouvellement de l’ALENA qui a permis d’éviter le pire. De plus, la Francophonie souhaite mettre davantage de l’avant une dimension économique.

Le temps est ainsi maintenant venu de mettre l’accent sur la promotion des exportations et sur l’attraction des investissements étrangers.

Pour ce faire, il est fondamental d’éviter la diplomatie cacophonique entre les institutions que sont le MRIF, IQ et la CDPQ. Le MRIF dirige 31 représentations dans le monde alors que IQ en a 12 et la CDPQ, 9. Il arrive que des représentations soient sous la même adresse, mais pas systématiquement. De plus, la culture du silo est très présente et le partage d’information, parfois difficile. Il est également fondamental que d’autres institutions soient mises à contribution comme Montréal International et Québec International, mais également les acteurs du gouvernement canadien.

Certains s’inquiéteront pour l’indépendance de la CDPQ, mais peu savent que cette dernière met déjà son réseau à contribution pour les entreprises dans lesquelles elle a investi et, d’ailleurs, la dimension de développement économique fait partie de son mandat. De plus, le rôle de la Caisse est essentiel pour ouvrir des portes. Lorsque le gouvernement du Québec part en mission commerciale avec la CDPQ et IQ, la force de frappe est bien plus importante que dans le cas contraire. Dans des pays comme la Chine, qui reçoit des centaines de délégations étrangères par année, il est préférable de se présenter aux côtés du deuxième investisseur institutionnel en importance au Canada.

Une direction claire

Pour conclure, procurer une direction claire avec un leadership politique provenant du bureau du premier ministre, favoriser le partage d’information et l’action concertée de l’action gouvernementale, notamment sur le plan de l’intelligence économique et des stratégies internationales, ne peut être que bénéfique pour le Québec.

IQ elle-même est née d’un tel effort de concertation, lorsque la Société de développement industriel du Québec (SDI) et la Direction générale des investissements étrangers de ce qui était alors le ministère de l’Industrie et du Commerce furent fusionnées. Cette société d’État a développé une expertise pointue en matière de prospection d’investissements et d’accompagnement des investisseurs depuis 20 ans. Il est temps de lui donner les moyens d’en faire plus.

Le gouvernement du Québec pourrait également ajouter deux cordes à son arc : une meilleure politique de recrutement et de formation continue pour les diplomates québécois, notamment en matière de diplomatie économique, et des actions mieux structurées et coordonnées en matière de diplomatie publique.

* Stéphane Paquin est également directeur du Groupe d’études sur l’international et le Québec (GERIQ), alors que Hubert Rioux est chercheur au GERIQ.

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