L’Afrique a enregistré un nombre relativement limité de cas d’infection et de morts depuis le début de la pandémie de COVID-19, évitant ainsi le scénario catastrophe qui avait été évoqué par maints analystes pessimistes.

Ces résultats « encourageants » ne signifient pas que les autorités sanitaires des États qui composent le vaste continent peuvent baisser la garde, prévient Thomas Druetz, professeur adjoint de l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

« La situation en Afrique reste fragile […]. Les systèmes de santé sont déficients à de multiples égards, et on peut rapidement se retrouver dans une situation hors de contrôle », souligne-t-il.

La Dre Joanne Liu, qui chapeautait Médecins sans frontières (MSF) lors de la lutte contre le virus Ebola, prévient aussi qu’il faut prendre garde de tirer des conclusions trop hâtives relativement à la propagation du nouveau coronavirus sur le continent africain.

« Une épidémie est toujours un exercice d’humilité. Il ne faut jamais crier victoire trop vite parce qu’on se fait toujours prendre », souligne-t-elle, en relevant que l’on dispose pour l’heure d’un portrait très « parcellaire » de la situation africaine.

Selon le plus récent décompte des Centres africains pour le contrôle et la prévention des maladies, plus de 204 000 cas d’infection et 5530 morts ont été enregistrés mardi pour l’ensemble du continent, où vivent 1,3 milliard de personnes.

À titre indicatif, les États-Unis ont officiellement recensé plus de 2 millions de cas d’infection et 115 000 morts pour une population, quatre fois moins importante, de 330 millions de personnes.

François Audet, qui dirige l’Institut d’études internationales de Montréal, note que le taux de dépistage dans de nombreux pays africains demeure très bas, ce qui a pour effet de masquer une partie de la propagation réelle du virus.

Les indicateurs fournis ne suggèrent cependant pas qu’il existe des « éclosions massives » de COVID-19 faisant des « ravages que l’on ne voit pas », dit-il.

Les grands centres urbains touchés ne « semblent pas débordés » sur le plan de leurs capacités hospitalières, et les cimetières ne le sont généralement pas non plus, ajoute M. Audet.

« On voit une certaine surmortalité, mais on ne voit pas de situations comme au Brésil, où il faut creuser des fosses communes », fait observer M. Audet.

Pistes d'explications

Le jeune âge relatif de la population africaine, qui compte moins de 5 % de personnes âgées de 65 ans et plus, semble limiter l’effet du coronavirus, dit-il.

La plus faible prévalence de cas de diabète et d’obésité, facteurs de risque pour contracter la COVID-19, entre également en jeu, ajoute M. Druetz.

L’existence d’une forme d’immunité croisée découlant de l’exposition passée à d’autres virus est aussi parfois évoquée pour expliquer la situation, relève le chercheur, en précisant qu’il s’agit d’une hypothèse devant être étudiée.

La saisonnalité du virus, que la chaleur et l’humidité auraient pu avoir rendu moins résistant, est un autre facteur potentiel à considérer, ajoute le professeur de l’Université de Montréal.

PHOTO AFOLABI SOTUNDE, ARCHIVES REUTERS

Des gens attendent en ligne avant d'accéder à un guichet automatique, à Abuja, au Nigeria.

Il insiste par ailleurs sur la rapidité avec laquelle nombre de pays ont mis en place des mesures de contrôle sanitaire.

M. Audet relève que l’expérience de nombreux pays africains avec des maladies infectieuses a généré des « réflexes sociaux » favorisant des comportements appropriés.

La Dre Liu note dans la même veine que les « gens sont assez bons » pour adapter leur comportement en situation d’urgence sanitaire, « une fois que le message est passé ».

Rien ne permet pour autant d’affirmer que le continent africain est à l’abri d’une flambée d’infection, affirme l’ancienne dirigeante de MSF, qui évoque la situation du Brésil, en pleine crise, pour réitérer sa mise en garde contre toute conclusion précipitée.

« Ça fait deux mois que l’on prédit que ça va mal aller là-bas, et ça se concrétise maintenant », souligne-t-elle.